Christiane Flouquet, Directrice de l’action sociale CNAV Ile de France, Nicolas Menet, Directeur général de Silver Valley, vice-président de la filière Silver économie et Sébastien Podevyn, Directeur général de France Silver Eco, Secrétaire général de la filière Silver économie, se sont exprimés ensemble sur le sujet pour la première fois depuis le début de la pandémie, lors de la séance d’ouverture de la journée Live du 30 mars 2021. Voici la retranscription de leurs propos.
(Actes de la webconférence organisée le 30 mars par le Salon digital de Silver Economy Expo)
Introduction par Jacques Huguenin (journaliste – animateur) :
Vous savez qu’en raison de la crise sanitaire et économique que nous subissons tous depuis un an, eh bien jamais depuis 15 ans il n’avait été autant question dans les médias, dans les conversations, des services à la personne, de l’emploi à domicile, jamais les personnes âgées n’avaient été autant au cœur d’attentions, de solidarité et de débats. Et donc les grands acteurs des services à domicile et de la silver économie se sont tous exprimés depuis un an mais individuellement.
Et aujourd’hui c’est un événement, parce que, aujourd’hui ce mardi 30 mars c’est la première fois, à l’occasion de cette séance d’ouverture du salon digital des services à la personne et de la silver économie, que vont s’exprimer ensemble tous ces grands acteurs sur les impacts de la crise sanitaire sur leurs attentes et sur leur vision de l’avenir.
La table ronde à laquelle vous assistez va comporter 5 séquences, à laquelle vont participer 13 représentants de grandes fédérations et organismes représentatifs des filières services à la personne, emploi à domicile et silver économie. Ils sont les porte-parole de retraités, d’entreprises, d’associations, de particuliers employeurs ou encore de salariés à domicile.
Et à chacun d’entre eux je vais avoir le plaisir de poser ces deux questions auxquelles ils auront seulement quelques minutes pour répondre. D’abord quels sont les impacts de la crise sanitaire sur les acteurs qu’ils représentent, et puis deuxièmement quelles ont leurs attentes ou leurs visions de l’avenir quand nous serons débarrassés de cette crise économique.
On va commencer tout de suite par Sébastien Podevyn. À vous d’ouvrir cette séquence avec cette première question : quels sont les impacts que vous avez ressentis, au niveau de toute cette filière de la silver économie, de cette crise sanitaire qui dure et qui n’en finit pas ?
D’abord, vous l’avez souligné, c’est une crise globale, elle n’est pas simplement sanitaire, elle est économique, elle est sociale, elle est peut-être même institutionnelle d’un certain point de vue. Et donc en fait on ne mesure pas encore totalement les impacts de cette crise. On va faire un état des lieux à un instant T tout en se disant bien qu’il y a encore des projections qui sont possibles. Je voudrais revenir sur la question de l’impact dans l’opinion publique et sur les pouvoirs publics.
Le premier confinement a mis le focus sur les résidents en EHPAD, évidement parce qu’il y a eu un niveau de morbidité extrêmement élevé ; il y a eu également la question de l’isolement des personnes résidentes en EHPAD qui a été mise sur le devant de la scène.
Et au fond, ça a été vraiment un moment où on s’est rendu compte — je ne parle pas évidemment des spécialistes du sujet mais je parle de l’opinion publique — qu’il y avait cette question de l’isolement des personnes en EHPAD quand les familles n’étaient plus en mesure de pouvoir les visiter.
Du coup ça a eu un impact j’allais dire positif dans la réflexion autour de la place des outils technologiques dans cette question du lien entre les familles et les résidents.
Et on a vu tout un tas d’initiatives qui ont été mises en oeuvre, notamment par le Crédit Agricole ou encore par la fondation Legrand, pour essayer de faire en sorte que les choses avancent en ce qui concerne cette place des outils numériques dans les EHPAD ; ça, ça a été au fond le premier bilan, quelque chose d’assez positif.
Et la mission qui a été confiée à Jérôme Guedj autour de ces sujets-là est vraiment venue mettre en perspective j’allais dire cet enseignement autour de cette question.
Paradoxalement, et c’est le deuxième point, lorsqu’on a mis le focus sur les EHPAD, eh bien c’est vrai qu’on a mis un petit peu de temps ensuite à se dire mais au fond il y a aussi les gens chez eux parce que, évidemment on parle souvent des EHPAD, mais c’est quasiment un ratio de un pour neuf, une personne présente en EHPAD pour 9 qui n’y sont pas ; et donc du coup le deuxième moment ça a été de se dire : mais attention, il y a aussi la question de l’habitat individuel et de tout ce qu’il y a avec.
Et on l’a vu aussi, le maintien des mesures de distanciation physique, évidemment les différentes phases de confinement, les magasins fermés, les familles qui là encore ne pouvaient pas avoir des relations j’allais dire presque tactiles, physiques, habituelles avec les seniors, et parfois qui étaient tout simplement éloignées géographiquement parce que confinement etc., on s’est rendu compte que la question de la fragilité chez soi était aussi à prendre en compte.
Et ça, ça a mis en avant des questions de l’habitat, de l’isolement y compris lorsqu’on est chez soi, et c’est, dans une certaine mesure dans l’opinion publique, dans le débat public, devenu un petit peu en complément de ce qui a été évoqué.
Troisième point, c’est la question du regard des seniors. Et on voit bien que c’est compliqué au bout d’un an, parce qu’il y a des visions parfois un peu paradoxales qui s’opposent. On a mis en avant la fragilité des seniors, mais au fond on a aussi mis de côté le reste des seniors. On sait tous, nous qui travaillons en direct avec eux, que dire « seniors » c’est englober quelque chose d’extrêmement (inaud.). On a mis en avant effectivement les fragilités, du coup on a mis un petit peu de côté toute cette évolution de la société qui fait que les seniors vont être au coeur de ces évolutions, et surtout des seniors actifs. Et ça, on les a un peu mis de côté, d’autant plus qu’une partie de la société, on ne va pas se mentir, s’est posée la question des choix sanitaires, des choix stratégiques qui ont été faits sur les questions de confinement etc., en se disant : mais au fond on arrête la société pour une toute partie d’entre elle. Et du coup ça a créé des regards qui peuvent être des regards qui sont parfois ambigus par rapport à tout cela.
Vous venez de parler de ces outils qu’on a utilisés pour communiquer avec ces personnes, de l’habitat, il faut une réflexion sur l’habitat, un regard différent à porter sur les personnes âgées, il y a plusieurs catégories de personnes âgées. Qu’est-ce que vous envisagez pour l’avenir, quelles conclusions vous pouvez en tirer ?
La conclusion qu’on peut en tirer et qu’on voit aujourd’hui c’est que, on voit notamment qu’au niveau des pouvoirs publics locaux il y a une véritable prise en compte de cette question-là. On est en train de mener avec la filière silver économie un tour de France des régions justement pour organiser la filière au niveau des régions ; et on se rend compte qu’il y a une accélération de la volonté politique au niveau des acteurs locaux dans cette organisation. Les collectivités territoriales notamment veulent agir plus vite, elles veulent prendre en compte la question de l’évolution de la société vers la société de la longévité. Donc ça c’est déjà un élément au fond qui est une conclusion très positive.
Au niveau du pouvoir national c’est un peu plus complexe pour une raison très simple, c’est que, évidemment il y a tout ce sujet autour du vieillissement de la population, mais on voit qu’il y a une question de priorisation, et on sent très bien qu’il y a des tensions qui sont très fortes par rapport à tout ça. Et on voit que Luc Broussy, qui est président de la filière, est en train de rédiger un rapport sur des sujets extrêmement intéressants, sur la question de l’habitat, de la mobilité des territoires, et de l’autre on voit qu’il y a une incertitude de plus en plus forte en ce qui concerne le projet de loi « Autonomie grand âge ». Donc on voit très bien qu’il y a des tensions.
Ce qu’on peut dire en conclusion c’est qu’il y a une prise de conscience malgré tout qui est une prise de conscience relativement générale autour de ce sujet ; ce qui n’empêche pas certains éléments paradoxaux encore d’exister, et que c’est à nous en fait acteurs d’aller dans les bonnes directions pour faire en sorte que finalement on puisse trouver quelque chose malgré tout de positif à cette crise et à ses drames depuis un an.
Je passe la parole à Nicolas Menet qui est sociologue et directeur général du cluster Silver Valley et vice-président de la filière économie. Même question : quel impact, quel bilan vous tirez de cette crise sanitaire et économique dont on n’est pas encore sorti malheureusement ?
Silver Valley ça s’appelle un cluster sur le plan officiel, mais on va plutôt rester sur « regroupement d’entreprises » et le regroupement d’organisations.
C’est vrai que « cluster » ça n’a pas bonne presse.
On est en train de changer nos éléments de langage, donc on est un regroupement d’organisations pour la silver économie effectivement, avec aujourd’hui 4000 professionnels affiliés à notre association, une communauté aussi de 9 000 personnes âgées entre 60 et 90 ans. Notre métier c’est vraiment d’être le bras armé de l’innovation pour la filière, à la fois d’accompagner les porteurs de projets, de comprendre mieux la prospective de la société de la longévité, et bien sûr d’animer cet écosystème qui est aujourd’hui unique en Europe puisque nous sommes la plus grosse organisation européenne d’innovation dédiée à la longévité.
Je vais avoir deux points de vue. D’abord celui des entrepreneurs de la silver économie. Ces entrepreneurs de la silver économie ont traversé cette crise avec beaucoup de difficultés pour certains, et donc on a fait ce baromètre juste en post-Covid, en fait le moral était plutôt bon. C’est-à-dire que, même si certains n’avaient pas une vision à très long terme de ce qu’ils pouvaient faire et devenir, pourquoi le moral était plutôt bon ? parce que justement les pouvoirs publics, sur la partie innovation d’action sociale, investissent quand même beaucoup sur le plan de l’innovation. Il faut savoir qu’en France, entre la CNAV — et je pense que Mme Flouquet nous en parlera — la Caisse des dépôts, l’AGIRC-ARRCO, il y a peu près un milliard d’euros qui sert à l’action sociale et à l’innovation et au développement de solutions innovantes, bien sûr il ne faut pas oublier la CNSA et les conférences des financeurs.
Donc grâce à ces leviers finalement d’argent public qui sont investis dans l’amorçage d’innovation les start-up ont pu vraiment tenir le coup, même si évidemment pour certains ça a été une reconversion où on a fermé boutique, mais en même temps on a aussi pivoté, réfléchi, avancé, donc évidemment c’était une opportunité pour certains.
Donc pendant cette période, Silver Valley a vraiment fait l’effort d’essayer de trouver des solutions à notre petit niveau, parce que nous évidemment on n’était pas sur le terrain, on n’est pas dans les EHPAD, pas dans les hôpitaux, mais grâce à toutes ces solutions technologiques on a créé un collectif de 65 solutions que je mets dans le chat actuellement. Ces 65 solutions finalement ont permis à des personnes âgées plutôt autonomes de pouvoir rester chez elles connectées au domicile. Voilà, on a essayé de faire ce qu’on pouvait.
Alors, ce qui est intéressant c’est que ces start-ups de la silver économie ont la plupart du temps délivré cette solution de façon gratuite pendant un temps donné, ce qui veut dire aussi que les entrepreneurs de la silver économie se sont quand même investis dans une approche plutôt sociale. On peut parler même de Tech for good à ce niveau-là puisqu’il y a des start-upers qui ont décidé, malgré leurs difficultés parfois financières, de délivrer leurs solutions, leurs produits, leurs services numériques notamment, de façon gratuite pendant une période de deux ou trois mois. Alors, pour certains ça a creusé évidemment un déficit, pour d’autres ça a permis d’avoir de nouveaux clients pour la suite, donc c’est aussi un avantage.
En tout cas on voit qu’il y a une mobilisation qui s’est faite au niveau de l’innovation, on voit qu’il y a une mobilisation qui s’est faite par ces entrepreneurs, et on voit aussi que finalement le fait que les pouvoirs publics, et notamment des acteurs comme la CNAV, l’AGIRC-ARRCO ou la CNSA, la BPI, la Caisse des dépôts et consignations qui s’investissent dans l’innovation. En fait ça permet de maintenir une vie encore au niveau entrepreneurial, et ça c’est plutôt une bonne nouvelle.
À vous entendre il n’y a pas eu que du négatif, il y a eu vraiment de la solidarité, des start-up qui ont pu montrer leur compétence et faire oeuvre ; c’est important ce que vous dites.
Tout à fait. On appelle ça la Tech for good, c’est-à-dire non, les start-uppers ne sont pas juste des gens obsédés par les levées de fonds et de gagner le plus d’argent possible ; là on voit vraiment que dans notre secteur de la silver économie les entrepreneurs ont aussi une éthique, et ça la filière l’a montré bien sûr puisqu’il y a eu ce rapport sur l’éthique qui a été fait l’année dernière, et ont aussi décider de s’investir.
Alors je ne dis pas que c’est tout blanc, parce qu’évidemment que ça permettait de faire ces modèles qu’on appelle des modèles premium, de proposer une solution gratuite et derrière d’avoir des clients, ce qui s’est passé pour certains d’entre eux, mais je trouve que c’est positif. Donc ça c’est le premier point, le point post-Covid est pour moi plutôt positif.
Donc les deux grands messages, c’est un, on voit bien que l’investissement public dans la silver économie, l’innovation qui représente à peu près 1 milliard d’euros, permet aux start-ups de se maintenir ; le deuxième point c’est que ces start-upers ont un esprit social et solidaire en plus d’être des entrepreneurs.
Et le deuxième point de vue que je voudrais donner, puisque Silver Valley c’est aussi une communauté de 9000 personnes âgées entre 60 et 90 ans qui sont impliqués dans tous nos sujets d’innovation, ce sont des bénévoles, c’est une communauté bénévole qui, avec les entrepreneurs, essaie de trouver les meilleures solutions, parle de leurs besoins, leurs attentes, leurs envies, leurs désirs, testent des solutions, parfois se mettent dans la peau d’entrepreneurs dans le cas de nos open labs.
Et on a deux marraines de choc qui se sont énormément investies dans la période Covid : donc Michèle Delaunay d’un côté et Marie de Hennezel de l’autre qui nous ont accompagnés sur des questions qu’on pouvait se poser.
Par exemple on a travaillé sur les questions de la fin de vie, on a travaillé sur l’empowerment des seniors nous poser des questions-clé sur qu’est-ce qu’attendent les seniors autonomes, quelle est la vie qu’ils veulent avoir ensuite, et ensuite évidemment le point de vue des seniors, donc il y a plusieurs choses positives et négatives, c’est donc en demi-teinte.
Je vais vous demander de synthétiser parce que le temps passe vite, donc votre conclusion pour l’avenir, qu’est-ce que vous attendez à partir de tous ces éléments que vous nous avez présentés qui sont assez positifs finalement ?
Oui, alors en tout cas ce que je vois c’est qu’il y a plusieurs bonnes nouvelles. D’abord il y a, malgré le fait que 66% des seniors déclarent une qualité de vie moins bonne qu’avant, c’est le baromètre Pleine vie- Silver Valley que vous connaissez tous ; il y a quand même un renforcement des compétences numériques des seniors. Et comme dans un instinct de survie quelque part — et Sébastien en a parlé sur la dimension de l’isolement — on a certes 4 millions d’exclus du numérique en France, mais ça fait quand même 12 millions de personnes de plus de 60 ans qui sont connectées, et ces gens-là ont renforcé leur acceptabilité des technologies numériques, et ça c’est absolument fondamental pour notre secteur de l’innovation bien sûr.
Et je dirais qu’il y a aussi d’autres nouvelles pour des secteurs qui sont déjà bien structurés comme l’adaptation de l’habitat avec une véritable levée des freins concernant l’adaptation des logements, et on commence à travailler notamment avec la CNAV sur comment les bailleurs sociaux peuvent travailler sur la prévention dans les logements ; sur les services à la personne on a aussi une extension qui est en train de se préparer. Donc il y a quand même des choses extrêmement positives qui se sont passées.
Je dirais que, si j’ai un message à faire passer, c’est que oui on a une vision très dure, c’était pénible pour tout le monde, mais en fait nous on est plutôt opportunistes puisqu’on est plutôt centrés sur l’innovation, on est plutôt positifs et il y a beaucoup de choses qui se sont passées avec des services numériques qui sont montés en puissance qui ouvrent des boulevards en fait complets pour la modernisation de notre secteur.
On va donner la parole à Madame Flouquet, directrice de l’Action sociale Ile-de-France pour la CNAV qui compte environ 2 millions de retraités dans cette région ; à vous la parole pour nous dire quels impacts pour cette crise sanitaire pour ces 2 millions de retraités dont vous vous occupez en Ile-de-France.
L’avantage de passer en dernier c’est que beaucoup de choses ont été dites avant, et que du coup je me contenterai de compléter ce qui a pu déjà être dit.
Quel impact pour les retraités ? D’abord on peut dire quand même que l’impact il est variable, il est modulable en fonction des seniors puisque, on le sait tous, les seniors ne sont pas une catégorie homogène, et donc la fragilité elle est sanitaire effectivement, elle est aussi sociale.
Et donc les besoins qu’on a pu identifier pendant cette période-là c’est à la fois un besoin de lien social effectivement, mais aussi un besoin de services concrets, et ça c’est la population-cible historique dont la CNAV s’occupe et qu’elle représente aussi, qui sont les personnes certes autonomes mais encore fragilisées qui, on s’en souvient en première période Covid particulièrement, se sont retrouvées vraiment toutes seules chez elles, sans que les services à domicile puissent intervenir partout, pour des raisons de nécessité de priorisation, donc les services à domicile ne pouvaient pas intervenir partout, et donc il a fallu compenser, et le rôle de la CNAV a été d’apporter une aide pour ces personnes-là d’abord.
Et donc, pour ces personnes fragilisées qu’est-ce qu’on a pu faire ?
Alors, pour répondre au besoin de services on a contacté les services à domicile qui sont conventionnés avec nous, avec qui nous travaillons. Nous leur avons proposé de les soutenir pour des actions alternatives, parce qu’effectivement, puisqu’une personne ne pouvait pas rentrer chez elles, il fallait quand même les aider, donc c’était le besoin de courses notamment, le besoin de médicaments, donc c’étaient des choses très concrètes.
Et dans ces cas-là nous avons soutenu financièrement les services à domicile pour accomplir ces services-là à la place des autres, mais également nous avons eu recours à nos partenaires, puisqu’on sait aussi très clairement que dans notre écosystème on ne fait rien tout seul. La CNAV toute seule elle a besoin de ses partenaires, et elle a notamment travaillé sur ce champ-là avec la Croix-Rouge puisque nous avons favorisé le portage de courses notamment. Donc on est vraiment sur la partie besoin de service pendant cette période-là parce que c’était un point important.
Sur le lien social, la réponse a été beaucoup plus diversifiée. Pour les personnes fragilisées on a commencé simplement par les appeler, l’idée c’était de faire des appels sortants, de les contacter. Et on s’est vite rendu compte que ce besoin-là qui était important n’était pas suffisant, les personnes avaient besoin de ré-assurance, elles n’avaient pas besoin qu’on les appelle pour leur dire « bonjour comment ça va ? » parce qu’au bout d’un moment elles en ont eu marre d’être appelées que pour ça, il faut aussi le dire. Mais c’était un lien pour les amener vers autre chose.
On a détecté à ce moment-là très clairement, et ce sont des études différentes qu’on a pu faire auprès de ces personnes-là, elles avaient besoin de numéros de téléphone particuliers pour accéder à certains services, elles avaient besoin de réponses particulières pour remplir des documents. Donc ça, ça a été les premiers points sur le lien social.
Après, il y a des personnes autonomes qui sont aussi celles auxquelles on tient particulièrement, celles pour lesquelles les ateliers qu’en Ile-de-France on met en place dans le cadre de notre groupement — la prévention retraite Ile-de-France, groupement inter-régimes — on avait mis en place des ateliers ; l’impact ça a été quand même qu’à peu près 80% des ateliers ont été interrompus pendant cette période-là.
Et donc la compensation ça a été comment faire pour faire du lien social autrement ? On a mis en place des ateliers en distanciel rapidement et en apportant des réponses régulières sur cette offre-là ; alors immédiatement avec des activités physiques parce qu’il y avait un besoin d’activités physiques mais pas que, et donc des ateliers en distanciel ensuite ont ensuite été mis en oeuvre. Je vais passer rapidement à votre deuxième question.
Alors, à partir de là, quelle vision de l’avenir vous tirez de cette période ?
Moi j’ai une vision forcément très optimiste parce que je crois qu’il faut tirer les leçons de cette période-là, et cette prise de conscience collective que la société a eue sur le problème de la fracture numérique, sur le problème de l’habitat il faut qu’on en tire des leçons. Et à la limite il y a une compréhension segmentée, ce n’est plus la fracture numérique pour les vieux, ce n’est plus l’habitat pour les vieux, c’est aujourd’hui le fait que, quel que soit l’âge de la personne, nous avons besoin de lien numérique, nous avons besoin d’un habitat adapté, et donc toutes les pistes que nous creusons aujourd’hui — Nicolas en a parlé autour de l’habitat, autour de la fracture numérique — c’est accélérer la connexion des personnes les plus éloignées du numérique parce qu’il y en a eu, et celles qui ont le plus aujourd’hui connectées c’était quand même celles qui avaient déjà un peu d’équipements numériques, ce n’était pas les autres. Notre objectif aujourd’hui c’est d’accélérer cette connexion numérique, et de faciliter le choix à un habitat adapté, inclusif, et c’est quand même un terme important puisque cette prise de conscience que l’habitat doit être réfléchi, anticipé, est au coeur de nos réflexions.
Merci beaucoup. À tous les trois, une phrase, un mot de conclusion. M. Podevyn, qu’est-ce que vous voulez qu’on retienne de tout ça (…) ?
Je repartirais sur ce que vient de dire Christiane Flouquet, c’est qu’il y a une prise de conscience. C’est à nous maintenant collectivement, je parle des acteurs, de s’organiser pour apporter les réponses les plus adéquates, et faire en sorte que cette prise de conscience puise véritablement aboutir sur une évolution de la société qui soit beaucoup plus inclusive pour les seniors. On sait, parce que la nature humaine est ainsi faite qu’il y a des choses qui sont au coeur des réflexions qui peuvent très vite redescendre. Donc c’est à nous maintenant d’agir collectivement pour que nous puissions avancer concrètement.
Nicolas Menet, Silver Valley, votre message fort ?
Eh bien ma phrase de conclusion c’est la phrase que notre marraine d’Open Lab a dit l’autre jour, Michèle Delaunay, pour les seniors, je pense que là cette période les a mis au centre de l’activité. Ils n’ont pas besoin d’être inclus parce qu’ils étaient là avant — c’est en tout cas ce qu’elle dit. Et voilà, je prends la parole à la place des seniors, mais c’est l’idée de « rien pour moi sans moi » ; je pense que là plus que jamais le senior doit être au coeur de l’innovation, de la société de la longévité ; on ne peut pas parler à leur place, on ne peut pas être à leur place, il faut absolument faire avec. Et je crois que dans cette période on a développé une image extrêmement déficitaire du vieillissement pendant cette période, on a parlé des gens fragiles, isolés, précarisés, c’est vrai pour certains d’entre eux, ce n’est pas vrai pour les autres ; donc je pense que cette majorité silencieuse il va falloir en parler parce qu’ils sont au cœur de la société qui vient.
Votre mot de la fin, Mme Flouquet ?
Oui, je crois qu’il faut faciliter effectivement l’accès de tous les moyens aux retraités grâce à la fracture numérique, grâce à l’habitat, et donc ce sont des éléments importants pour que le regard de la société sur le vieillissement — pour parler de la marraine de Silver Valley qui est au coeur de ça — pour que ce regard reste encore plus positif à l’avenir.
Réécouter la séance d’ouverture.
Lire la suite des actes : ce que les acteurs des services à la personne en pensent.